En Côte d’Ivoire, le e-commerce informel gagne en popularité, attirant de plus en plus d’entrepreneuses grâce à l’absence de taxes et la réduction des frais. A l’ère de la digitalisation, découvrons ces femmes qui redéfinissent les frontières du commerce après avoir établi des liens profonds avec la rue, ainsi que les voies pour les faire sortir de l’informel.
Sur Internet, l’engouement croissant des Ivoiriens pour les achats en ligne suscite un intérêt particulier des entrepreneurs, catalysant l’essor de l’e-commerce. Si des milliers de boutiques, enseignes et vendeurs informels se plongent activement dans des échanges commerciaux en ligne, témoignant d’une transformation dans les modes d’achat et créant de nouvelles perspectives entrepreneuriales, il n’en demeure pas moins que ces commerçants – parmi lesquels se comptent un nombre important d’entrepreneuses, constituent aujourd’hui les principaux concurrents des acteurs formels.
Défis et triomphes de la vente en ligne
Au cœur des rues animées d’Abidjan, Digital Mag Côte d’Ivoire se fait l’écho de quelques histoires inspirantes de femmes entrepreneures. Avec détermination et créativité, elles façonnent leurs destins au milieu de l’environnement informel du e-commerce. Depuis sa boutique, dame Marie partage son expérience de l’utilisation des réseaux sociaux : « J’ai lancé ma boutique de produits cosmétiques en ligne il y a deux ans. Facebook a été mon point de départ, mais j’ai rapidement intégré TikTok pour toucher un public plus large. Les vidéos courtes sur TikTok ont suscité un réel engouement pour mes créations. Sur Facebook, je crée des albums pour présenter mes collections, tandis que sur TikTok, je montre le processus de création, ce qui a beaucoup plu. »
Vendeuse de produits de bien-être, Salita propose des huiles essentielles et des accessoires de méditation. Sur Facebook, elle partage des articles informatifs, et sur TikTok elle crée des vidéos qui montrent comment utiliser ses produits. Au seuil de leurs commerces virtuels, ces femmes partagent leurs expériences, où obstacles et challenges se mêlent aux réussites.
Forte concurrence
« La concurrence est intense, et il peut être difficile de se démarquer. Gérer les commentaires, les questions et les commandes demande beaucoup de temps. Parfois, les retours et les problèmes logistiques peuvent être délicats à gérer », explique Chancelle, une entrepreneuse visiblement passionnée. Sephora, quant à elle, fait part de ses réflexions sur la rentabilité entre Facebook, le géant américain des réseaux sociaux, et TikTok, l’application chinoise de vidéos courtes. Selon elle, TikTok (le réseau social le plus valorisé au monde avec 65,7 milliards de dollars en 2023, cf. OnlyAccounts.io, ndlr) rapporte davantage financièrement que Facebook.
Pour booster sa page et accroître sa visibilité, les publications sur Facebook peuvent nécessiter l’achat d’abonnés via des compagnies internationales de transfert d’argent comme Western Union. Ce qui n’est pas le cas sur TikTok. De plus, les diffusions en direct sur TikTok sont plus lucratives. Aussi, pour maximiser la visibilité sur ce réseau social en particulier, Sephora recommande la création d’un compte dédié aux ventes, avec un statut « business ». De quoi offrir un aperçu précieux en termes de rentabilité entre ces deux multinationales dans le monde du commerce en ligne.
Statistiques
Selon un rapport de la Société financière internationale (SFI) sur les « Femmes et commerce électronique en Afrique » (Women end ecommerce in africa), les femmes entrepreneures s’engagent activement dans le commerce électronique. Dominant actuellement la catégorie de la mode, elles ont également recours au commerce électronique pour entrer dans des segments à plus forte valeur ajoutée. Mais cet engagement nécessite un soutien accru pour leur croissance.
Sur la plateforme Jumia, 35 % des entreprises en Côte d’Ivoire et 51 % au Kenya et au Nigéria sont détenues par des femmes.
En comparant ces statistiques avec les données nationales, les entreprises détenues par des femmes sont mieux représentées sur la plateforme Jumia au Kenya et au Nigéria. Par ailleurs, des similitudes sont observées entre l’économie globale et le commerce électronique, avec une prédominance des micro-entreprises détenues par des femmes, tandis que les grandes entreprises, y compris les grands comptes de Jumia, sont majoritairement détenues par des hommes. Les entreprises dirigées par des femmes ont tendance à générer des revenus plus modestes et à avoir moins d’employés que celles dirigées par des hommes, note la SFI.
Accompagner les entrepreneuses
Commentant le rapport susmentionné, Sérgio Pimenta, vice-président de la SFI pour le Moyen-Orient et l’Afrique, souligne la nécessité de « redoubler d’efforts pour promouvoir les entreprises féminines et aider les femmes à surmonter les écueils de l’e-commerce ». Pour ouvrir la voie du commerce en ligne aux entrepreneuses et les affranchir de l’environnement informel, le rapport recommande de déployer impérativement des initiatives de formation et d’accompagnement sur mesure. Ces programmes pourraient englober des sessions de mentorat, des ateliers portant sur les compétences numériques et la gestion d’entreprise en ligne, ainsi que la mise à disposition de ressources financières et techniques afin d’aider les entrepreneuses à concrétiser et à développer leurs boutiques en ligne. La sensibilisation des entrepreneuses aux avantages du commerce en ligne, tels que l’expansion de leur marché, l’augmentation de leur visibilité et l’accès à de nouveaux clients et partenaires, revêt une importance cruciale.
Enfin, la création d’un environnement propice et inclusif, favorisant activement la participation des entrepreneuses au commerce en ligne en éliminant les obstacles et en promouvant l’égalité des chances, se révèle essentielle. Selon le rapport de la SFI, le marché africain du commerce électronique pourrait croître de près de 15 milliards de dollars entre 2025 et 2030 si le nombre d’entrepreneuses opérant sur des plateformes en ligne augmente. Autant dire que la Côte d’Ivoire y a tout à gagner !
Esther Droh