Retour sur le jeudi noir, le jour où internet s’est arrêté de fonctionner en Côte d’Ivoire et dans plusieurs pays d’Afrique. Comme en 1929 avec le krach boursier de New York qui a mis le monde entier à genoux…
La toile (Internet) renvoie à une image immatérielle. Elle est cependant tissée de millions de kilomètres de câbles sous-marins par lesquels circulent toutes nos données. Mis bout à bout, ils font plus de 30 trois fois le tour de la terre. Et lorsque l’un de ces câbles est affecté, internet s’arrête. Au 21ème siècle, quand internet s’arrête, la vie des citoyens s’arrête.
Le jour où internet s’arrêta…
Le jeudi 14 mars 2024, toute l’Afrique est affectée par des pannes d’Internet, après la rupture de plusieurs câbles sous-marins de fibre optique. La Côte d’Ivoire est l’un des pays les plus touchés. Les opérations bancaires sont bloquées, en raison de l’absence de compensation via la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Il n’y a donc pas d’échanges entre les banques. Il n’est pas non plus possible d’échanger sur les réseaux sociaux, de commander un chauffeur VTC, d’acheter en ligne, etc. La vie des Ivoiriens s’arrête.
Ce jeudi 14 mars 2024 peut être comparé au krach financier de 1929 suite à la crise qui se déroula à la Bourse de New York le jeudi 24 octobre. Appelé Jeudi noir, cet événement est l’un des plus célèbres de l’histoire financière. Il marquait le début de la grande dépression et son lot de chômage et de pauvreté. La côte atlantique de l’Afrique a donc connu, elle aussi, son jeudi noir. Cette fois, dans le secteur de l’internet. « Sans internet, c’est compliqué de travailler », lâche un transporteur urbain. C’est que, au 21ème siècle, dans la vie privée, tout comme dans les entreprises, tout le monde dépend d’Internet.
Internet : une dépendance à 99% aux câbles sous-marins
Au journal de 20 h, sur la télévision nationale, le gouvernement parle d’une « situation inédite » : au moins 4 câbles sous-marins sur les 5 qui desservent le pays sont endommagés. Les câbles des fournisseurs Orange et MTN sont au cœur du problème, Moov Africa y échappe. Les câbles en cause sont Africa Coast to Europe (Ace) qui longe la côte ouest de l’Afrique entre la France et l’Afrique du Sud. Ce câble de 17 000 km relie 19 pays d’Europe et d’Afrique. Ensuite, le Câble ouest-africain WACS sur la route de la côte ouest depuis l’Europe. Enfin, les câbles South Atlantic 3 (SAT3) et Main One.
« La connectivité dans le monde transite à 99% par les câbles sous-marins, et 1% par les services satellitaires. Ce qui fait des câbles sous-marins une infrastructure critique pour la connectivité du continent », explique Ange Kacou Diagou, président-directeur général de New Digital Africa. « Le trajet des câbles endommagés démarre au Portugal, et longe la côte pour atterrir dans nos pays. C’est la même zone qui a été affectée. Et c’est parce que le trajet leur est commun qu’ils ont tous été touchés au même moment », justifie-t-il. Quant à la cause, plusieurs hypothèses sont avancées. Un bateau ou un séisme peuvent avoir provoqué la rupture des câbles de fibre optique. Un glissement de terrain, un éboulement sous la mer ou encore un acte de sabotage, ne sont pas exclus.
« Renforcer la résilience de nos infrastructures d’accès à internet »
Face à l’urgence, le gouvernement ivoirien met en place une cellule de crise. En liaison avec les opérateurs télécoms, il tente de trouver des solutions alternatives, le temps des réparations. Par exemple, Orange opte pour des solutions de reroutage. L’entreprise utilise sa ligne de Djoliba, un réseau de fibre optique interconnecté de plus de 10 000 km qui lui permet d’apporter de la capacité internet de Dakar jusqu’à Abidjan. Les réparations en mer seront plus tard effectuées par des entreprises comme Orange Marine et ses navires câbliers représentant 15% de la flotte mondiale, 264 000 kilomètres de câbles sous-marins, 950 réparations de câbles jusqu’à 6000 mètres de profondeur.
Mais, à quelque chose malheur est bon. « Ce que nous vivons est inédit et bien inhabituel. Car tous les opérateurs ont en plus de leurs câbles principaux, des câbles de redondance, précisément 2 câbles secours, ainsi chacun d’entre eux a 3 câbles. Avec ce niveau de précaution, évidemment, il est difficile de penser que l’on peut se trouver dans une telle situation. Cela nous invite donc à redoubler de vigilance et à œuvrer à renforcer la résilience de nos infrastructures d’accès à Internet en pensant des options alternatives dont le satellite », commente le ministre ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation, Ibrahim Kalil Konaté.
On comprend, enfin, que dans la technologie, il faut éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier. Le satellite sera sans doute davantage exploité.
K. Bruno
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