Marius Comoé, président du Conseil national des organisations de consommateurs de Côte d’Ivoire (Cnoc-CI), s’invite dans ce qui est convenu d’appeler « Affaire volume internet ».
Une crise oppose les consommateurs ivoiriens aux compagnies de télécommunications au sujet des bonus d’appels et des volumes internet. De quoi s’agit-il concrètement ?
Il se trouve que depuis des années, nous avons assisté à une pratique des opérateurs du secteur de la téléphonie mobile et de l’internet qui violent allègrement les droits et les intérêts du consommateur dans le domaine de la téléphonie mobile et de l’internet. Ce qui ne se fait pas ailleurs dans les pays où ces multinationales sont implantées, se fait ici. Je donne un exemple. Les 100 gigas sont commercialisés en France entre 6000 et 12000 FCFA. En Côte d’Ivoire, ces mêmes 100 gigas sont commercialisés entre 25 000 et 30 000 FCFA. Cela n’est pas normal.
N’est-ce pas dû au fait que les moyens techniques dont dispose la Côte d’Ivoire le favorisent ?
Non, pas du tout. Bien au contraire. La fibre optique n’est pas la propriété des opérateurs. Les trois compagnies qui opèrent au niveau national n’ont jamais créé un seul kilomètre de backbone. C’est l’État de Côte d’Ivoire qui le fait à travers l’Agence nationale du service universel des télécommunications, ANSUT, une société d’État. Celle-ci prélève, en termes de redevance, 3% sur le bénéfice annuel de chaque acteur télécom pour financer la construction de l’équipement qui lui permet de tirer l’internet, c’est-à-dire, le Backbone.
Que reprochez-vous aux opérateurs télécoms ?
Aujourd’hui, nous sommes à plus de 5000 km de fibre optique installés grâce à l’argent du contribuable ivoirien. Ce qu’on reproche aux opérateurs, c’est de vendre à ce même contribuable des data aussi cher. D’ailleurs, vous constaterez que les offres et les services que proposent ces opérateurs défient tout entendement dans la mesure où, seule la course effrénée aux gains faciles les préoccupe. Cela ne doit plus continuer.
Des appels à ne pas se connecter au réseau internet pendant des heures ont été lancés en fin de semaine dernière. Quels sont les résultats ?
Je voudrais faire une remarque. Le fait que des opérateurs télécoms d’un pays où il existe une Loi sur la concurrence se mettent ensemble pour fixer le prix d’un service aux consommateurs constitue une violation des dispositions légales en la matière. La loi sur la concurrence interdit les pratiques anticoncurrentielles. Toute entente entre opérateurs économiques d’un secteur d’activité pour fixer le prix d’une offre aux consommateurs est illégale, au regard de la Loi sur la concurrence et du Code de la consommation. Nous allons saisir la Commission nationale de la concurrence et de lutte contre la vie chère.
Revenons aux acquis du boycott…
Les acquis sont importants. Le ministre de la Communication et de l’Économie numérique a fait une sortie le week-end pascal pour rappeler à tous que la Côte d’Ivoire ne peut se permettre de regarder cette situation s’envenimer. Il a invité les opérateurs du secteur à surseoir à leur pratique actuelle, en leur ordonnant de revenir aux anciens prix. Le fait déjà que le gouvernement réagisse ainsi est une victoire. Mais nous ne nous limiterons pas là. Nous allons interpeller les gouvernants sur la question et sur toutes les autres qui touchent à la vie de nos concitoyens, dans le secteur des banques, de l’électricité, de l’eau, du transport, des soins de santé, etc.
Propos recueillis
Par K. Bruno