La digitalisation dans le secteur bancaire n’est pas sans risque. Ce n’est pas autant qu’il faut s’en détourner, estime Yaya Coulibaly, actuel directeur du capital humain du groupe AFG Bank (une banque focus sur la digitalisation), après 15 ans d’expérience acquise à la BSIC, GT Bank, Coris Bank et BOA, qui donne une interview exclusive à Digitalmag.ci votre media 100% digital.
Quel est l’état des lieux de la digitalisation dans le secteur bancaire ?
Aujourd’hui, tout le monde s’investit dans la digitalisation. On va même au-delà avec l’intelligence artificielle qui vient donner un coup d’accélérateur à cette ère de digitalisation. Tous les secteurs sont impactés, particulièrement le secteur bancaire qui était un peu à la traine. De mon expérience, je peux dire qu’en fonction des origines des banques, qu’elles soient anglophones ou francophones, la digitalisation est plus ou moins avancée.
Il n’empêche que sur le marché bancaire, il y a pas mal de processus qui sont en train d’être ou sont déjà digitalisés. Par exemple, la gestion du crédit. C’est le service bancaire le plus digitalisé. On a aussi l’entrée en relation qui est en train d’être digitalisée. Dans une banque comme AFG Bank qui fait une entrée en grande pompe sur le marché bancaire, les entrées en relation sont digitalisées. Vous n’avez plus forcément besoin de vous rendre en agence pour ouvrir un compte.
Qu’en est-il de la digitalisation de la gestion des ressources humaines ?
Les ressources humaines (NDLR, RH), c’est la fonction la moins digitalisée, au-delà même du secteur de l’industrie bancaire, quand bien même des efforts sont faits. Des propositions de solutions digitales sont pourtant vendues sur le marché, mais je pense que la digitalisation RH demande la contribution et l’adhésion des RH que nous sommes pour que nous puissions prendre le taureau par les cornes. Les processus RH doivent être digitalisés. Par exemple, le recrutement. En ce qui concerne la paie, c’est seulement maintenant que la digitalisation est en train d’être prise en compte.
Mais, sur la prise de décision, que ce soit à distance ou en présentiel, je peux dire c’est le service le plus digitalisé dans pas mal d’entreprises. Les autorisations d’absences et autres demandes d’attestations diverses sont des processus qui ne sont pas difficiles à digitaliser, on doit pouvoir les faire. Quand je fais le recap, ce qui nous manque, c’est la coordination de toutes les activités des ressources humaines pour avoir un bloc unique qui nous permette d’avoir une digitalisation de tous les processus dans un seul logiciel de sorte que nous soyons véritablement efficaces. Comme je le dis souvent, quand vos processus sont digitalisés, vous gagnez en temps et en efficacité.
Quels sont les défis de la digitalisation de l’industrie bancaire ?
Le premier défi, c’est l’engagement de tous. Il faut qu’on sorte des sentiers battus. On est restés trop longtemps avec des solutions qui ne satisfont plus les clients. On est restés sur des solutions traditionnelles alors que les demandes en innovations sont assez fortes sur le marché. Par exemple, la personnalisation des besoins des clients est très poussée aujourd’hui, donc on doit être plus réactifs parce que la concurrence est rude.
Sur le marché ivoirien, nous avons 30 banques. Et nous vendons tous les mêmes produits. Si nous n’innovons pas par la digitalisation de nos processus, par la qualité de nos services, nous allons rester derrière les autres. Donc, il faut que chacun, à son niveau, dans toutes les banques, on puisse s’engager à digitaliser tous les processus, depuis l’entrée en relation jusqu’à la prise en charge finale du client. Et là, notre engagement et notre volonté sont déterminants au-delà des moyens que cela demande.
Quelle place accordez vous à la sécurité dans la digitalisation des services bancaires ?
La sensibilité en termes de risques est très importante. Les organismes du périmètre sécuritaire au niveau de la banque, je veux parler de la Banque centrale, de la Commission bancaire de l’UEMOA ou des organismes internationaux qui régulent le secteur, ont pas mal de restrictions qui sont mises en œuvre pour éviter que la banque soit l’objet de fraude et d’insécurité. Il y a un certain nombre de balises que nous déployons et qui nous permettent de faire face à l’insécurité.
On sait tous que là où il y a l’argent il y a beaucoup plus d’attaques, et peut-être des craintes légitimes des clients. Mais, nous mettons tout en œuvre pour empêcher l’insécurité de prospérer. Tout compte fait, je ne vois pas les risques d’insécurité comme un processus qui doit bloquer la digitalisation de la banque, mais comme une opportunité qui doit nous permettre de réfléchir ensemble et de déployer les outils nécessaires afin de baliser tout le périmètre de sécurité.
Comment voyez-vous l’avenir du digital ?
Le digital est incontournable. Tout le monde est engagé dans ce processus. Comme je le disais, dans la banque à laquelle j’appartiens aujourd’hui, l’entrée en relation est digitalisée jusqu’aux autres processus. Non seulement on est obligés de digitaliser, mais en plus, on doit adjoindre l’intelligence artificielle pour que le traitement des données soit rapide. Ainsi, les clients, au bout de la chaine, sont les plus heureux. Et nous banquiers, nous pouvons avoir ce que nous recherchons en termes de PNB, en termes gains, de même que le personnel, en termes de traitement des tâches, peut avoir à déployer moins d’énergie. Tout cela pour des résultats probants.
Interview réalisée par
K. Bruno