Encore un autre épisode du feuilleton Durov/France dans lequel le PDG de Telegram semble changer d’approche. Pas question de continuer ce bras de fer, il accepte enfin de revisiter discrètement la politique de modération des contenus de sa plateforme. Il est toujours sous contrôle judiciaire, pour son laxisme prononcé dans la gestion des contenus diffusés sur Telegram, en particulier les échanges privés. Cependant, le dénouement de cette situation est on ne peut plus proche.
Telegram lance une mise à jour dans le contrôle des contenus
Depuis le jeudi 5 septembre 2024, des mouvements sont observés dans la partie foire aux questions (FAQ) de Telegram. Cela dit, récemment mise à jour, on peut y voir « toutes les applications Telegram disposent de boutons “signaler” qui vous permettent de signaler tout contenu illégal à nos modérateurs, en quelques clics seulement ». Pour rappel, cette fonctionnalité n’était réservée qu’aux contenus publics. Cette fois-ci, elle prendra en compte la messagerie privée. Toutefois, il faudra attendre encore avant la concrétisation de ces nouveaux paramètres qui ne sont qu’à l’état larvaire. Aussi faut-il noter qu’aucun communiqué officiel faisant cas de cette mise à jour n’a été publié par le groupe Telegram. Une chose est sûre, les lignes bougent.
Telegram, un modèle controversé de confidentialité
Depuis sa création en 2013, Telegram s’est distinguée par son modèle centré sur la confidentialité absolue des échanges. Contrairement à ses concurrents comme WhatsApp ou Signal, l’application ne permet pas de signaler les discussions privées. Ce choix fait de Telegram un bastion de liberté d’expression, un espace où les utilisateurs échangent sans crainte de censure. Cependant, cette liberté a un prix. Accusé de permettre la prolifération de contenus illégaux, Telegram s’est attiré les foudres des gouvernements occidentaux, particulièrement en France. Selon les autorités, cette indulgence est à l’origine de nombreux actes répréhensibles, et Durov est aujourd’hui traité de complice par omission.
Une procédure judiciaire légitime ?
En 2022, la France a introduit une série de lois pour lutter contre les contenus haineux et criminels sur Internet, imposant aux plateformes de collaborer plus étroitement avec les autorités. Or, jusqu’à récemment, Telegram se refusait à traiter ces requêtes, arguant du respect de la vie privée de ses utilisateurs.
En chiffres, le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), dans une analyse, parue le 30 avril 2024, révèle qu’ont été enregistrées “165.200 atteintes aux biens commises à l’aide d’un outil numérique en 2023. Soit 59 % des infractions numériques”. Dans le même document, il est mentionné que “15 900 atteintes aux institutions commises dans le cyberespace ont été enregistrées et 1 270 atteintes aux législations spécifiques au numérique”. Avec ces statistiques, la justice française apporte de l’eau à son moulin de censures, dans un contexte où la cybercriminalité croît de façon exponentielle. Telegram, avec ses plus de 800 millions d’utilisateurs actifs mensuels – à en croire les chiffres de Statista parus en janvier dernier – est donc devenu une cible prioritaire pour la régulation. Il faut durcir le ton !
Derrière cette affaire se cache un débat de fond sur la liberté d’expression dans l’ère numérique. En France, les législateurs défendent l’idée qu’un contrôle renforcé est nécessaire pour protéger la société des dérives du numérique. Mais ce procès révèle plutôt une volonté des États de contrôler la diffusion de l’information sous couvert de sécurité.
James Kadié